Le parrainage, c’est pour la vie

Aux Arts et Métiers, la tradition du parrainage participe à deux niveaux, de personne à personne et de génération à génération, à la transmission de la fraternité, qui lie les gadzarts entre eux à vie.

Le carnet de trad's a notamment pour vocation de transmettre au conscrit l'esprit du parrainage, dont l'originalité réside dans son aspect à la fois individuel et collectif. Ici un exemplaire issu de Kin.

La fraternité ne se décrète pas, écrit en substance Régis Debray, elle s’organise «par la fête, le banquet, la chorale, la marche, le serment (promesse d’indivision par lequel l’individu lie son sort à celui de la communauté qu’il contribue à fonder par son geste)»(1). Aux Arts et Métiers, la tradition du parrainage participe concrètement à deux niveaux à la transmission de cette valeur cardinale (2).
Un premier niveau, de personne à personne, se construit dès que les élèves de première année entrent à l’école. Chaque ancien choisit parmi eux un «filleul», qu’il adopte selon des critères variés, le plus naturel étant celui de la région et de l’école préparatoire d’origine. Un second niveau, collectif et générationnel, est celui qui lie les promotions à vingt-cinq ans d’écart (promo marraine) et, aujourd’hui, à cinquante ans d’écart (promo archi-marraine). Ce parrainage est le résultat d’une volonté, et les liens affectifs qui naissent entre parrain et filleul se situent entre l’amitié du frère et l’affection du père, sans être ni l’un ni l’autre.

La force du «nous»

Le parrainage à but «social» est issu de la tradition chrétienne ; après le concile de Mayence de 819, le baptême et le parrainage constituaient une quasi-obligation pour les parents qui devaient confier à Dieu leur enfant en lui attribuant des protecteurs spirituels. Le parrain est celui qui accueille le nouveau membre de la communauté et qui, ensuite, l’accompagne dans sa vie de chrétien. Un décret du 20 prairial an II (8 juin 1794) instaura, dans le flou de la Terreur, pour suppléer à ce baptême religieux, un baptême -républicain, quasi oublié par la IIIe République et qui retrouva une réactualisation bien discrète dans une loi du 20 septembre 1972. En 1941, un parrainage de ce type a été institué chez les Compagnons du devoir, avec une visée prioritaire professionnelle. Il correspond bien au parrainage recommandé par le Duc dès la création de notre École.
Aux Arts, l’ancien aide et conseille son conscrit pendant toute l’année où ils sont ensemble. Le lien se prolonge ensuite tout au long de la vie. Cette tradition se perpétuant d’année en année, une lignée «familiale» se constitue. Depuis 1975 environ, ces familles sont désignées par des «num’s» et, au sein d’une famille, se créent des affinités entre générations. Le parrain étant membre d’une strass (à Aix, le terme «strass» ne qualifie pas que l’administration, mais aussi un groupe de gadzarts proches, issus d’une même promo), son filleul la reconnaît comme sa «strass marraine». La cérémonie du baptême vient souder ces liens à l’issue de la période de transmission des valeurs.
La fraternité, cette force du «nous», est au rendez-vous de ces deux pistes, personnelle et collective. Comme il est dit dans la chanson «Dans les rues» : «Ce cordelet caché sous les rameaux/De fraternité, c’est l’emblème/Chaque gadzarts forme l’un des anneaux/D’une chaîne de longueur extrême/Les promotions ne peuvent s’y distinguer/Partout, la soudure est la même.»

(1) «Le Moment fraternité», essai de Régis Debray, coll. Blanche, éd. Gallimard 2009.
(2) Lire à ce sujet l’article de René Brouillet (Cl. 52) paru dans AMMag en mars 2004 : «Le parrainage, un événement fondateur».

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