Ne vous vendez plus, marketez-vous !

Trop souvent, lorsqu’ils se présentent dans un contexte professionnel, les manageurs se contentent d’énumérer leurs qualités et leurs compétences. Ils seraient plus efficaces en apprenant à parler d’eux en allant à l’essentiel.

Ayant évolué au sein de diverses agences de communication pendant vingt-six ans et occupé des postes d’encadrement, Denis Boutte a fondé son cabinet d’outplacement (reclassement de cadres), Avenir Dirigeant, il y a trois ans. Soucieux d’adopter un positionnement innovant sur ce marché, il a transposé les meilleures pratiques du marketing et de la publicité dans son nouveau métier. «Il existe de nombreuses similitudes entre les deux secteurs. Pas plus qu’un produit, un candidat ne doit se contenter de se vendre, en énumérant ses qualités. Il doit se marketer. Attention ! Je ne dis pas qu’un candidat est un produit !» sourit-il. L’ancien publicitaire a donc décliné le concept du «Post-it» de 3M, en appliquant des techniques de publicité–marketing au monde du relationnel. «Sur un papier de la taille d’un Post-it pourrait apparaître ce que vos interlocuteurs professionnels auront retenu de vous une semaine ou deux après vous avoir rencontré — vos compétences, vos références. S’ils pensent à vous», théorise-t-il.

Résumons-nous !

Denis Boutte
Diplômé d’HEC (1978), Denis Boutte a été dirigeant au sein de différentes agences de communication, notamment directeur associé chez Publicis. En 2006, il devient consultant en outplacement (reclassement professionnel de dirigeants). D’abord directeur associé au sein de l’Espace dirigeants durant sept ans, il cofonde le cabinet Avenir Dirigeant en août 2014, au sein duquel il transpose les bonnes pratiques de la publicité et du marketing.

Selon Denis Boutte, avant de lancer une campagne, les publicitaires élaborent une promesse attrayante censée les différencier de leurs concurrents directs et indirects. «Dans l’univers des eaux minérales, tout le monde identifie Évian aux lacs, à la montagne, aux Alpes. Idem pour Vittel dont la marque est associée à la vitalité, et Contrex à la minceur, au régime. De même, les candidats doivent soigner leur positionnement.» La technique du Post-it doit leur apprendre à être plus vendeurs dans leur communication personnelle. «Plus de clarté dans le discours, plus d’impact et plus de justesse auprès des interlocuteurs sur ce qu’ils seront amenés à retenir du profil du candidat, si, par exemple, il s’agit de recrutement», souligne le consultant.

Concrètement, le candidat doit savoir résumer son parcours en quinze mots clés, en abordant son projet futur et ce qui le différencie de ses concurrents, tout en appuyant sa démonstration sur ses réalisations passées, ses références. «Dans un entretien, comme dans une publicité, moins vous en dites, plus votre interlocuteur retiendra vos propos. Il faut être concis, dense et ne surtout pas le noyer de références ni de concepts fumeux. Autrement dit, faire court est gage d’efficacité», assure Denis Boutte. L’idée du Post-it permet de se contraindre à une présentation en quatre points clés : métier, caractéristiques, références et traits de personnalité.

Premier point, le métier : soit la profession actuelle, soit le projet, le futur job avec lequel on veut se faire connaître. Ce métier doit être caractérisé par une taille d’entreprise, un secteur ou un marché, une clientèle spécifique, un périmètre de responsabilités ou une zone géographique de prédilection. «Le métier doit correspondre à ce qu’on va faire demain et non à ce qu’on a déjà fait. Si on a été directeur commercial et qu’on veut devenir directeur général, il faut bannir le titre “directeur commercial” de sa présentation. À la place, il faut dire “Je souhaite accompagner le développement d’une entité”», détaille le consultant.
Deuxième point, les caractéristiques ou contributions clés. Il s’agit de mettre en avant une ou deux expertises, personnelles et déterminantes, une vision particulière de son métier qui constituent la contribution majeure qu’on souhaite apporter à son futur employeur.
Troisième point, les références. Elles servent à apporter la preuve de sa compétence, de son niveau d’excellence, à travers une ou deux entreprises de son parcours récent et, au maximum, une ou deux réalisations probantes. «Évidemment, si vous avez travaillé pour un groupe tel que L’Oréal ou Danone, citez-le, votre interlocuteur le retiendra immédiatement. En revanche, si votre entreprise est peu connue, dites, par exemple, qu’elle a été la rivale numéro 1 de telle entreprise réputée», explique Denis Boutte.

Frédérique Liaigre
Titulaire d’un DESS marketing et communication, Frédérique Liaigre commence sa carrière chez France Télécom, puis rejoint l’opérateur des télécoms américain Airtouch en 1997. Elle intègre SFR en 2000 en tant que chargée de mission auprès du directeur général, Frank Essel, avant d’occuper de nombreux postes de direction. En 2015, elle est embauchée par ADP (Automatic Data Processing, société de services spécialisée dans l’informatisation des fonctions liées aux ressources humaines) et évolue vers le poste de vice-présidente «Strategic Client Partnership » pour l’Europe, le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Amérique du Nord.

Méthode testée et approuvée

Enfin, quatrième point clé, la personnalité. Contrairement aux trois points précédents, qui seront exprimés clairement, de manière explicite, les traits de personnalité sont des impressions qui sont produites implicitement par le comportement et la gestuelle. «L’objectif est de montrer qu’on est dans l’empathie, l’écoute, le dynamisme, la confiance en soi.»
Quoi qu’il en soit, on retiendra du Post-it sa philosophie : il s’agit d’être concis, juste et de produire un impact fort. Sur un CV, qu’il soit sur papier ou en ligne, cette règle doit devenir le «noyau dur» de la communication du candidat. «Une présentation à l’oral de soi-même ne doit pas dépasser trois minutes. Cela oblige à être court et percutant. De toute façon, vous n’avez pas le choix : au-delà, les gens décrochent», résume Denis Boutte.

Aujourd’hui vice-présidente des partenariats stratégiques avec la clientèle chez l’Américain ADP (informatisation de la gestion humaine), Frédérique Liagre a appris la technique du Post-it lorsqu’elle s’est adressée à Avenir Dirigeant pour trouver un nouvel emploi. «L’ensemble des outils sur lesquels j’ai travaillé m’ont été utiles, notamment le Post-it. Cela oblige à choisir précisément ce qu’on souhaite mettre en valeur. J’ai adapté la technique dans mon nouvel univers professionnel où je dispose de peu de temps pour marquer l’esprit des dirigeants que je rencontre et auxquels je dois “vendre” les services de mon entreprise.»

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